La question posée prend donc sa pertinence sur la base d’un rapport critique (ou d’une crise) entre l’individu et la cité. L’individu n’existe-t-il que dans, par et pour la cité, mais alors quel peut et doit être le but de la cité : est-elle à elle-même son propre but ou bien n’est-elle qu’un moyen pour atteindre l’accomplissement du bonheur de l’individu ? Ou bien à l’inverse la cité ne doit-elle pas s’effacer devant les revendications légitimes de l’individu au droit à ses propres singularités ? Mais alors où trouvera-t-on des règles susceptibles de mener l’humanité de chaque individu à son accomplissement ?
Et en premier lieu, maintenant seulement découvert, c’est le concept d’accomplissement qui apparaît éminemment problématique. Car qu’est-ce qui mérite d’être accompli pleinement dans chaque individu humain, quelle est la puissance qui doit se déployer entièrement dans un acte et s’y maintenir ? Est-ce la capacité politique (celle du zoon politikon d’Aristote) qui doit seule se déployer dans l’œuvre de la cité ? Cela supposerait que l’accomplissement plein se réduit à l’attitude civique du politique. Mais peut-on légitimer cette réduction au vu de l’évolution historique, notamment contemporaine, où la revendication, légitime ou non, est criante ? Inversement, l’accomplissement plein de l’humanité de l’homme semble ne pas se réduire au politique, au sens strict d’un dévouement total et d’une absorption entière aux principes de la cité (souveraineté, gouvernementalité, représentativité). En effet, s’il existe d’autres dimensions de l’humanité de l’homme qui requièrent légitimement d’être développées en dehors de la structure de la cité, où trouvera-t-on les principes, les règles et les modalités qui assureraient,compte tenu des caractères objectivement constatés dans l’histoire humaine, l’effectivité de cet accomplissement ? Car selon Kant, dans son Anthropologie d’un point de vue pragmatique : « L’homme est fait d’un bois si noueux, qu’il est à désespérer d’en jamais pouvoir tirer une poutre droite. »
On peut donc constater une triple crise apparente, due à l’évolution historique. D’abord, la notion de cité semble éclatée, débordée par les structures sociales et mentales nouvelles. Ensuite, la notion d’humanité semble pouvoir être niée, notamment par des mouvements belliqueux de grande ampleur. Enfin, en ce qui concerne la notion d’homme, on se demande s’il n’est pas un simple individu vivant incapable de construire une histoire, celle-ci se révélant finalement et uniquement en proie au déterminisme naturel. Dans ces conditions on se demandera si les devoirs, obligations et droits du citoyen, même totalement accomplis, peuvent épuiser et satisfaire complètement les exigences et aspirations individuelles de l’être humain, dans sa triple dimension charnelle affective et spirituelle.
On est donc en droit de se poser trois questions fondamentales :
1°/. Qu’est-ce qui ,dans la notion de cité, en amont et en aval de son avènement historique, càd à l’intérieur des structures mentales humaines, reste absolument et nécessairement requis pour le développement matériel et spirituel du genre humain ?
2°/. Qu’est-ce qui, dans la notion d’humanité (notion qui définirait l’essence de ce qui apparaît historiquement sous le nom de genre humain) reste absolument exigible et que ne peuvent fournir l’idée et la réalité de la cité ?
3°/. Quelles peuvent être les conditions de l’intériorisation et de la spiritualisation de l’idée de cité, susceptibles de faire converger dans un cosmopolitisme renouvelé (par rapport à la tradition stoïcienne notamment) l’individu (enfin révélé à lui-même dans sa vérité) et le tout social et politique, enfin réconciliés dans l’histoire humaine.
La notion de cité n’a pas toujours, en tant que telle, comme prise de conscience et effectivité matérielle, existé. Certes, tous les groupes humains, les plus archaïques et primitifs, se sont structurés à partir de règles, commandements et rituels (interdictions et sanctions). Mais le souci rationnel d’une structure bien ordonnée qui parcourt et règle le plus justement possible l’ensemble des problèmes humains reste un idéal dont se sont approchés les Grecs anciens. Une cité est beaucoup plus qu’un groupe, ou la simple délimitation d’un espace militaire, économique et social. La structure hiérarchique et hiératique de certaines communautés anciennes (notamment chez les Égyptiens) marque un progrès par rapport au simple groupement humain. Mais elle n’atteint précisément pas encore au souci rationnel de bâtir une structure à la fois républicaine et démocratique respectivement déterminée par le partage et la délimitation du gouvernement d’une part, et d’autre part la souveraineté et la représentativité du peuple.
Compte tenu des conditions d’existence et des forces en présence dans le champ humain (« L’homme n’est pas un empire dans un empire » dit Spinoza), il apparaît que l’homme est plus libre de s’accomplir à l’intérieur d’une société gouvernée par un Etat, que dans la solitude de l’état de nature. Mais dès lors qu’intervient la notion de totalité politique se pose la question du rapport entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif. Il s’agit d’articuler ce à quoi tend très spontanément l’individu et ce qui est bon pour le tout. Or dans le monde grec la notion d’individu n’est pas thématisée comme dans les temps modernes. L’individu n’est tel qu’en tant que moyen élémentaire s’inscrivant dans un processus global : il est pour ainsi dire anonyme, sa subjectivité et ses exigences légitimes ne sont pas encore dévoilées. Le paradoxe apparent est que la structure politique de la cité protège l’individu mais l’empêche en même temps de se développer. Cette idée que le tout prime sur l’individu se retrouve à toutes les époques, notamment au XIXème siècle chez Auguste Comte pour qui : « Dans la société, il n’y a pas de droits, il n’y a que des devoirs ».
Mais la nature humaine est ainsi faite qu’elle doit être constamment protégée d’elle-même par un système de contraintes qui, par la limitation des puissances, garantisse une liberté minimale à chacun. C’est ce que Rousseau rappelle, au début du Contrat social : « Trouver une forme d ’association qui défende et protège la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant à personne et reste aussi libre qu’auparavant. Tel est le problème dont le Contrat social donne la solution. » La conscience de la fragilité et de la précarité humaines est telle, la peur de l’anarchie et de l’anomie constamment menaçantes est si grande, que la tentation du totalitarisme peut paraître quelquefois fascinante dans son inévitabilité et son inexorabilité apparentes. On peut imaginer que la bêtise et la méchanceté sont foncières et radicales en l’homme bien qu’elles ne soient pas toujours intentionnelles et volontaires, et qu’elles amènent une nuisance réciproque. En conséquence de cette hypothèse on peut envisager cohéremment la possibilité qu’un système politique anéantisse la part individuelle et singulière de chaque être humain en lui imposant de se dessaisir de toutes ses puissances au profit de la souveraineté anonyme d’un pouvoir absolument contraignant.
On voit ici que par peur d’une dégradation humaine, fondée sur le présupposé d’une malignité radicale de l’humain, on supprime toute possibilité d’humanisation individuelle. Il y avait certes dans les groupes humains primitifs et archaïques une certaine latitude laissée à l’accomplissement individuel, mais celui-ci, faute d’une spiritualisation et intellectualisation suffisantes, stagnait à un niveau matériel rudimentaire et ne pouvait prétendre à une plénitude. Dans un système politique libéral toute latitude est laissée aux individus, à l’intérieur même du cadre civique, de se fixer leur propre finalité d’accomplissement dans la mesure où ils ne s’identifient pas au tout. La notion de cité peut être pensée comme une condition nécessaire de régulation et d’orientation du groupe social, et à ce titre elle est apparue systématiquement à un moment de l’histoire pour en modifier définitivement le cours. La notion de cité apparaît donc comme un instrument de la réflexion politique qui permet de penser rétrospectivement ce qui a fait défaut aux sociétés primitives et archaïques, à savoir une construction rationnelle de l’idée de souveraineté, de gouvernementalité et de représentativité. De même symétriquement cette notion de cité a toujours permis de réguler prospectivement le devenir des sociétés modernes soumises aux vicissitudes de l’histoire et qui voyaient apparaître des formes monstrueuses comme le totalitarisme, l’Etat bureaucratique, ou la mondialisation économique.
Cependant, si l’idée de cité a permis l’émergence de la notion de citoyen et de civisme, elle n’a peut-être pas donné « droit de cité » à l’individu dans la revendication légitime d’un droit à l’expression singulière. La notion d’individu en effet est récente, et elle se situe à partir de la découverte cartésienne d’une pensée personnelle irréductible à toute pression extérieure. De plus cette notion d’individu affronte le présupposé que le tout vaut toujours mieux que la partie. Dans une Lettre à Elisabeth, Descartes dit que s’il est avéré qu’un homme vaut mieux à lui tout seul que l’ensemble de ses compatriotes, il aurait tort de se sacrifier pour ce qui vaut moins que lui, fût-il en plus grand nombre.
Qu’est-ce qui échappe donc à la notion de cité, et qu’elle ne peut pas fournir, bien que cela soit spécialement requis pour l’accomplissement de l’humanité de l’individu ? On connaît le peu d’intérêt qu’éprouvait Descartes pour la chose politique puisqu’il a vécu retiré à l’écart des affaires du Roi, dans un pays comme la Hollande où chacun, comme il le dit dans le Discours de la méthode, est plus soucieux de ses propres affaires que de celles d’autrui. Certes Descartes restait foncièrement conservateur et anti-révolutionnaire, conformément à la maxime de sa morale par provision : « suivre les lois et coutumes de mon pays en adoptant les opinions des plus sensés de ceux avec qui j’aurai à vivre. »Il suivait en cela Montaigne qui disait s’intéresser à la chose politique « mais au feu exclusivement si je puis » (Montaigne, Essais). Ces penseurs ne prônaient pas un individualisme forcené mais sentaient intuitivement la carence du politique, et de son souci rationnel de la cité, d’ailleurs plus comme structure totale et exclusive que comme condition simplement nécessaire, face à une exigence profonde d’accomplissement de l’humanité de l’homme dans chaque individu.
De quoi peuvent donc être faites ces exigences incontournables que ne saurait strictement satisfaire un dévouement politique exclusif à la cité ? On peut constater en préliminaire que cette notion de cité est passée dans le discours social courant. On parle en toute circonstance de République, de Justice sociale, de Liberté d’expression, de contre-Pouvoir. Mais on oublie ce faisant que la cité, qu’on tient pour responsable de tous ces soi-disant manquements aux droits sociaux est en réalité un instrument qui permet de réguler rationnellement les structures sociales et qui ne doit pas s’y substituer. D’abord la notion de cité ploie et plie sous les contraintes et pressions d’un bouleversement du mode de travail (production) et d’échanges (consommation) élevé à un niveau mondial. On ne peut, on ne doit plus croire possible de maintenir le statut de l’idée de cité à un même niveau de représentativité sociale. Car les conditions et structures matérielles sont radicalement bouleversées par l’avènement d’une maîtrise mondiale de l’espace, du temps et de l’économie. Certes, l’idée de cité demeure éternelle et immuable mais elle ne peut plus se concrétiser matériellement, comme dans la cité grecque. On assiste en effet à un éclatement de la représentativité et des lois, une contamination réciproque du pouvoir et de l’économie, une inflation médiatique du discours et de l’image, etc.
La division extrême du travail devient incompatible avec le maintien d’une idée de la cité telle que l’envisageait Platon dans sa République. Simplement parce que le travail dans son état actuel est davantage orienté vers la production anonyme que vers la culture de soi. Le travail est désormais vécu davantage comme un moyen de survie individuelle que comme culture de soi ou contribution fonctionnelle à la vie de la cité. S’ensuivent nécessairement les problèmes de reconnaissance sociale, à travers leurs deux extrêmes caricaturaux : l’anonymat et l’exclusion des faibles, d’une part et d’autre part le narcissisme vide des puissants détenant le pouvoir, la renommée, la richesse. Mais on se trouve aussi face à un problème de reconnaissance morale : la personne n’est reconnue que dans les mots vides (là où précisément il n’y a plus personne) et corrélativement elle se trouve dans la réalité réduite à une force de production ou à un élément du mécanisme social.
On peut soupçonner qu’il se passe historiquement le phénomène et le processus suivant : l’idée de cité subsiste immuablement mais son rapport à l’effectivité concrète sociale change et doit être déplacée parce que la société(comme ensemble des individus avec toutes leurs potentialités économiques, culturelles et spirituelles) se modifie profondément . Elle subit en effet la double pression des transformations matérielles (techniques, scientifiques, économiques) et culturelles : diffusion large de toutes les idées, prise de conscience collective du droit universel, et du poids de l’histoire des idées. Désormais, et cela est rendu possible et permis par le progrès matériel et culturel, l’homme comme individu prend conscience des exigences d’accomplissement de son humanité.
Celle-ci se déploie selon trois dimensions spécifiques.
1°/. Sa durée propre, au sens de faire quelque chose de sa propre vie, se constituer sa propre histoire.
2°/. Sa subjectivité propre, au sens de se dire soi-même, s’expliciter à soi-même, s’inscrire dans une parole libre et consciente d’elle-même.
3°/. Sa finalité propre, au sens de se constituer en but final, càd comme un être spirituel, en accédant à l’idée de bonheur de l’être comme esprit. Remarquons que cette idée de bonheur ne peut se ramener à l’un des deux extrêmes (l’équilibre équitable du confort moyen ou à l’opposé le dévouement total à la patrie) parce qu’elle les dépasse tous deux dans une synthèse plus haute.
En effet la prédominance de l’idée de cité exigeait un asservissement total de la durée à l’activité politique, mais aussi un sacrifice de l’individu devant l’intérêt collectif et enfin un renoncement à la prétention de se constituer comme sujet du bonheur (i.e. l’accomplissement total de toutes les dimensions humaines) devant l’exigence exclusive du progrès collectif. Se fait jour ainsi à notre époque, progressivement, un souci métaphysique et un souci esthétique respectivement comme recherche d’une transcendance presque immanente à l’individu et comme effort pour faire de soi-même une œuvre d’art par la culture de soi, ce dont parle le dernier Foucault en reprenant l’ascétisme hellénistique. Ces deux inquiétudes et efforts s’inscrivent dans le souci sempiternel du politique et font face à l’exigence d’idéal civique qui doit s’intérioriser, destinalement, devant la modification profonde du mode d’existence sociale et des structures mentales. Mais ces deux inquiétudes et efforts, métaphysique et esthétique, restent paradoxalement absents, en leur originalité, de l’effectivité du politique qui rabat sans cesse le métaphysique dans l’opposition laïc / privé (confessionnel) et qui marginalise la création artistique comme secondaire et inessentielle (cf. la place des Arts dans l’Enseignement officiel).
Dans quelle direction faut-il alors chercher une (ré) conciliation entre l’individuel et le politique, ce dernier vocable étant entendu au sens vrai du terme, et non pas comme attitude rhétorique et sophistique qui consiste à rechercher des avantages individuels de pouvoir, d’honneur, de richesse à travers un discours prétendument universel ? Il faut pour ce faire établir la nécessité de l’idée de cité pour réguler la structure sociale, mais il faut aussi constater son insuffisance et son impuissance à satisfaire les exigences légitimes de l’accomplissement individuel qui se font progressivement jour à la faveur de la progression de l’histoire et de la modification des structures sociales, qui a lieu dans l’extension mondiale des communications, des échanges et des maîtrises diverses. La cité n’est peut-être plus la belle totalité éthique des Grecs anciens (selon le mot de Hegel) parce que les conditions matérielles de son apparition historique se sont modifiées. Mais l’idée de cité n’en reste pas moins éternelle et immuable. Ce n’est peut-être que notre rapport à cette idée de cité qui doit être modifié compte tenu des évolutions de l’histoire. L’idée de cité ne peut plus s’incarner matériellement, comme chez les Grecs anciens, mais elle ne peut pas non plus se réduire à l’objet vide d’un discours politique abstrait. Ceux qui n’ont que les mots de Républicain, Démocrate à la bouche sont peut-être ceux qui le sont le moins. Certes, l’accomplissement spirituel de l’homme (la spiritualité, l’intellectualité, la culture vraie, constituant sans doute une partie essentielle de l’humanité de l’homme) doit passer par la liberté d’expression, mais aussi par le souci d’intériorisation des idées. Il s’agit donc de les prendre en charge (de les assumer) dans sa conscience au plus profond de soi, dans la citadelle intérieure, pour les constituer en objets constants de la réflexion et de la méditation.
Au lieu d’essayer de matérialiser et d’incarner l’idée de cité (au risque de promouvoir un discours quasiment nationaliste), et symétriquement au lieu de constituer l’idée de cité comme objet d’un discours abstrait et vide, l’accomplissement de l’homme dans son humanité ne passe-t-il pas par un souci et un effort constants d’intériorisation progressive de l’idée de cité ? Cette sorte de cosmopolitisme, Kant l’avait déjà repris du stoïcisme, et il entendait par là un effort pour établir un rapport entre la conscience rationnelle individuelle et les fins de la Nature ,qu’elle suppose, par hypothèse de travail, nécessairement rationnelles.
La tension réside entre l’individu , dont on suppose qu’il doit développer des fins rationnelles, et la notion de cité, qui est devenue trop petite et inadéquate compte tenu des bouleversements historiques introduits dans les structures d’existence(mondialisation). Pourquoi dès lors ne pas envisager la possibilité que l’homme accomplisse pleinement son humanité(i.e.toutes les dimensions de son humanité) à condition que celui-ci se (re-)définisse comme « micro-cosme », citoyen de l’univers, dont la raison individuelle est homothétique à la raison universelle ?Dans ces conditions la notion de cité ne désigne plus ce cadre rigide, cette limite fixe d’un monde clos, mais une structure rationnelle dynamique et intérieure qui rend possible le développement de toutes les virtualités que le plan caché de la Nature a introduites dans l’homme. En conséquence de cette nouvelle perspective sur la notion de cité, il apparaît que la notion d’humanité cesse d’être figée : elle n’est plus seulement définie comme rationalité politique et affectivité polymorphe, mais devient la capacité à s’intérioriser réflexivement de façon à se constituer soi-même comme élément autonome de la République des Esprits et du Règne des fins. Par exemple, déjà Augustin montrait dans sa Cité de Dieu que celle-ci est invisible, cachée et intérieure et qu’elle permet de réguler la cité (terrestre) des hommes. Enfin, la notion d’homme cesse d’être tributaire d’une image religieuse figée, comme être dont le destin est de s’acheminer inéluctablement vers le jugement dernier. Mais elle apparaît plutôt comme figure d’auto-transformation constante, recherchant l’accomplissement de nouveaux rapports au monde. La question primordiale : « qu’est-ce que l’homme ? » ne vise ainsi plus une essence éternellement donnée mais constitue réflexivement son objet dans le moment même de sa subjectivation objective (Foucault).
Désormais il ne saurait plus exister de contradiction entre une intériorisation cosmopolitique de l’idée de cité et une universalisation matérielle (étendue à toute la planète) des principes de rationalisation et d’homogénéisation structurelles propres à la cité. Droits universels de l’homme, Tribunal pénal international, Organisation mondiale du commerce, etc., permettent de considérer que tous les ordres existentiels deviennent homothétiques et que les différents États ne sont plus que les citoyens d’une cité planétaire.
L’intérêt philosophique de la question initialement posée est d’obtenir une prise de conscience de la nécessité de modifier non pas l’idée de cité, mais son rapport à la structure sociale qu’elle a pour finalité nécessaire de réguler et de déterminer. Cette prise de conscience nous fait constater que la cité et l’individu varient concomitamment, dans la mesure où les exigences de l’idée de cité révèlent à l’individu ses propres lacunes et le déterminent à développer son humanité en un triple sens. D’ abord au sens de la durée, puis au sens de la subjectivité, enfin au sens de la finalité (spiritualité). L’exigence de ces trois sens amène nécessairement l’idée de cité à s’intérioriser, à devenir cosmopolite et à se constituer comme le lien immanent et rationnel entre l’individu, la société, et l’histoire humaine dans sa globalité.
Christophe Steinlein (février 2002).
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